Le 17 janvier 2014, nous avions relayé sur ce blog, l’article de May Makarem « Arish, le jeune carthaginois, au musée de l’AUB », évoquant la reconstitution anthropométrique d’un squelette « intact et complet » mis au jour en 1994 par l’archéologue français Jean-Paul Morel, sur la colline de Byrsa, en Tunisie.
Il y a quelques jours, la tribune de Genève revient sur ce personnage, « Arish ou le jeune homme de Byrsa », titrant L’ADN d’un Phénicien de 2500 ans a été séquencé et relatant, le séquençage effectué sur le plus ancien ADN phénicien connu, obtenu par des chercheurs dont les travaux ont été publiés dans la revue américaine PLOS One.
Le séquençage a révélé que cet homme appartenait à un groupe génétique rare appelé «U5b2c1», dont l’ancêtre maternel commun était originaire d’une région côtière du nord de la Méditerranée, très probablement de la Péninsule ibérique, explique la professeure Lisa Matisoo-Smith de l’Université de Otago en Nouvelle-Zélande, principale co-auteure de cette étude.
Selon elle, cette découverte signale la présence la plus ancienne en Afrique du Nord du groupe génétique (haplogroupe mitochondrial) européen «U5b2c1». Ces chercheurs l’ont datée d’au moins la fin du sixième siècle avant l’ère chrétienne.
«L’haplogroupe U5b2c1 est considéré comme l’un des plus anciens en Europe et est lié aux populations de chasseurs-cueilleurs», explique la professeur Matisoo-Smith. «Ce groupe génétique est très rare dans les populations modernes européennes avec une fréquence de moins d’un pour cent», précise-t-elle.
Les traits de l’ADN mitochondrial du jeune homme de Byrsa se rapprochent le plus de ceux des Portugais d’aujourd’hui, relève cette scientifique. Les chercheurs ont analysé l’ADN mitochondrial de 47 Libanais contemporains et n’ont en revanche trouvé aucune trace de la lignée génétique U5b2c1.
On situe les origines des Phéniciens dans la région où se trouve aujourd’hui le Liban. Leur influence s’est propagée dans tout le bassin méditerranéen, où ils ont établi des colonies et des comptoirs comme à Carthage, en Tunisie, devenu le principal port du commerce punique.
Des recherches précédentes avaient découvert cet haplogroupe dans l’ADN de deux anciens chasseurs-cueilleurs retrouvés sur un site archéologique dans le nord-ouest de l’Espagne, indiquent les scientifiques.
«Alors qu’une vague de peuplades agricoles venues du Proche-Orient a remplacé les groupes de chasseurs-cueilleurs qui étaient en Europe, certaines lignées génétiques de ces derniers ont persisté plus longtemps dans l’extrême sud de la péninsule ibérique et sur des îles à proximité avant de se retrouver dans le ‘melting pot’ de Carthage via le commerce punique», suppute la professeur Matisoo-Smith.
Elle souligne que la culture et le commerce phénicien ont eu une influence importante sur la civilisation occidentale. Elle rappelle en outre que les Phéniciens ont notamment introduit le premier alphabet.
«Mais nous savons peu des Phéniciens eux-mêmes à l’exception des récits probablement biaisés de leurs rivaux romains et grecs», poursuit la chercheuse qui espère que cette dernière découverte génétique et d’autres travaux en cours permettront d’apporter de nouveaux éclairages sur les origines des Phéniciens, leur culture et leur influence.