Une annonce tant attendue a été dévoilée dans les colonnes de l’Orient le Jour, rubrique la Seize à défaut de celle de la Culture, mettant en lumière la nouvelle vie de la Tour Blanche ou Tour Corm, à quelques pas du Musée National.
Dans une interview accordée à May Makarem pour l’Orient le Jour , David et Hiram, fils de Charles Corm, présentent le nouveau projet de création du Centre Culturel Charles Corm, dédié à la mémoire de ce Grand homme qui œuvra le premier pour sauvegarder la mémoire et le patrimoine des Phéniciens.
Cette Tour fut le premier gratte-ciel au Liban, elle abrita le siège de la marque Ford dont Charles Corm fut le concessionnaire exclusif pour le Proche et Moyen-Orient. Elle fut également la résidence de la famille et regroupa toutes leurs archives. Noyée dans la verdure lors de son érection en 1928, elle est désormais enserrée et encerclée par les immeubles qui grignotent les terrains arborés, réduits en « peau de chagrin ».
Malgré les changements urbains et les années de guerre, la Tour Blanche a su garder son cachet authentique et lutter contre les spéculations immobilières. Elle est désormais consacrée à abriter la Fondation Charles Corm,
« Gérée en collaboration avec l’Université Saint-Joseph, la fondation vise à mettre en place le Centre culturel Charles Corm (CCCC), qui comprendra la vaste bibliothèque de ce grand humaniste et écrivain, fondateur en 1920 de la Revue Phénicienne, tribune politico-culturelle de la scène libanaise de l’époque. L’occasion pour le public de plonger dans des milliers d’ouvrages de référence et œuvres littéraires, des périodiques et documents traitant de divers sujets, comme le Mémorial de la grande famine de 1915-1918 ; la saga de l’automobile au Levant ou du Pavillon libanais à l’Exposition universelle de New York en 1939, dont Corm a dirigé et financé la conception. LE CCCC comportera également une salle d’exposition, un auditorium et une librairie – salon de thé donnant sur un jardin arborisé, fleuri, truffé de colonnes antiques, des bustes de Khalil Gibran et de Daoud Corm, et autres sculptures de Hoyek. L’espace Daoud Corm (1852-1930), « doyen de la peinture libanaise » et père de Charles Corm, est prévu dans le projet. Il sera consacré à l’art moderne et contemporain »
Ce projet ne peut que réjouir tous les Libanais, en particulier les « phénicologues » pour lesquels Charles Corm reste une référence, certes controversée car souvent incomprise en dehors de son contexte historique. Quoi qu’il en soit des appartenances des uns et des autres ou des idéologies défendues, ce centre culturel apportera toute la lumière grâce à l’accès aux archives de cet écrivain, homme d’affaires et visionnaire.
En 1939, il finança personnellement le Pavillon libanais à l’Exposition Universelle de New York, refusant ainsi de faire partie du Pavillon colonial présenter par la France, puissance mandataire de l’époque. C’est dire l’indépendance et la fierté qu’attachait Charles Corm à ce jeune Etat du Liban créé depuis peu (1920). Il y croyait en ce pays en son avenir, alors que d’autres restaient sceptiques accrochés au passé et aux ramifications régionales. Cet esprit souverain il va le chercher dans les origines de cette terre, des premiers habitants, les Cananéens, dans la première civilisation, avec les Phéniciens qui essaimeront partout en Méditerranée et bien au-delà.
Il faut espérer que ce Centre tiendra les objectifs annoncés, nous assistons actuellement au Liban au déferlement des projets architecturaux : le musée de l’alphabet à Byblos, le BeMa (Beirut Museum of Art), le Beirut City Museum, etc.
Les Libanais ont toujours été les novateurs et les pionniers dans ce domaine, quoique dépassés ces dernières années par les pays du Golfe, bien plus riches et soutenus par leurs administrations. Serait ce un vrai engouement, un retour sur le potentiel richesse culturelle du Liban ou juste une mode à suivre en ce moment ? Serait ce un Centre accessible à tous avec ses projets éducatifs et pédagogiques ou un lieu de rencontre de l’élite beyrouthine ?
Nos paroles sont peut-être virulentes mais elles traduisent un sentiment largement partagé. Nous lisons tous les jours dans les colonnes des journaux le lancement de nouveaux projets architecturaux pour promouvoir la culture, accessible à Tous, pour sauvegarder le patrimoine archéologique, pour la transmission aux générations futures, etc. Néanmoins, quand nous essayons de suivre l’évolution sur le terrain, c’est un peu « à la libanaise », manquant de transparence.
Une belle amitié nous lie à David et Hiram, elle nous permet d’écrire ces mots en toute franchise, loin de la langue de bois usuelle. Ils ont été parmi les premiers à nous encourager dans notre démarche culturelle à travers notre site www.pheniciens.com, nous offrant les livres de Charles Corm ainsi que d’autres opus des éditions de la Revue Phénicienne.
Nous sommes heureux d’annoncer la création de ce nouveau Centre Culturel Charles Corm et lui souhaitons le succès mérité. Si David et Hiram ont attendus toutes ces années et se lancent aujourd’hui, malgré la situation régionale toujours sur le qui-vive, c’est qu’ils tiennent à ce que la mémoire et le travail de leur père soient ancrés à jamais dans cette Tour Blanche qu’il a érigé et où il a vécu et produit ses plus belles créations.
« Je rappelle aux miens, nos aïeux phéniciens
C’est qu’alors nous n’étions au fronton de l’histoire,
Avant de devenir musulmans ou chrétiens,
Qu’un même peuple uni dans une même gloire,
Et qu’en évoluant, nous devrions au moins,
Par le fait d’une foi d’autant plus méritoire,
Nous aimer comme aux Temps où nous étions païens ! … »
Charles Corm, La montagne inspirée.