Le mois de janvier est, de tradition, celui des vœux et des étrennes. Nous attendions les cartes retardataires de Noël, celles qui groupaient les souhaits pour les deux fêtes. Nous consacrions un bon moment pour le choix des cartes et plus particulièrement celui des timbres.
Pour ceux qui ont de la famille à l’étranger, presque tous, vu que chaque famille libanaise a désormais un membre à compter parmi les gens de l’expansion, nous options plus pour les cartes postales « patrimoniales ». Nous hésitons entre Baalbek, Byblos, Tyr ou Beiteddine. Cela nous ramener aux vacances et aux derniers souvenirs partagés ensemble au pays des cèdres.
Grande était la joie de recevoir ces cartes et encore plus si elles portaient, directement ou sur les enveloppes qui les contenaient, de nouveau timbre. Un de ces petits carrés que nous nous disputions pour nos collections.
Désormais, les nouvelles technologies ont remplacés tout ce rituel. Maintenant les vœux sont instantanés, partout dans le monde. Il suffit de quelques clics et voilà votre e-mail, sms ou message WhatsApp envoyé. Ce n’est plus une simple image et un bout de carré mais plutôt un film, une vidéo, un « PowerPoint » etc. Les images défilent en quelques secondes, récentes ou d’archives, en couleur ou en noir et blanc, promotionnelles ou nostalgiques, le choix est vaste, les disponibilités énormes. Tout est devenu accessible sur la toile, il suffit de copier/coller et le tour est fait !
Que reste-t-il de personnel dans nos vœux ? Nous recevons la même image, la même vidéo, le même GIF animé, des dizaines et des milliers de fois. Les mots sont presque identiques. Aucune particularité ne nous est réservée. Personne ne s’est déplacé au bureau de poste, ni attendu pour dénicher le dernier beau timbre avec la façade du Musée National de Beyrouth ou la collection des sarcophages anthropoïdes.
Avant, la rareté faisait la richesse du cadeau. Nous le recevions avec tous les préparatifs qui l’accompagnaient. Nous avions les larmes aux yeux en voyant la carte de Saïda, Tripoli ou la grotte de Jeita, cela nous faisait patienter, rêver les prochaines vacances. Les technologies ne nous ont pas privés bien au contraire, elles nous offrent encore plus, nous rassasient les yeux, de paysages, couleurs et images. Nous sommes tellement rassasiés qu’à un moment où un autre faut purger nos téléphones, trop intelligents, pour garder un espace de stockage. Pas de fête sans photographies et la mémoire artificielle a ses limites.
Sans vouloir plonger dans la nostalgie, nous sommes tous ravis de profiter au jour le jour de cette avancée numérique qui rapproche les gens de tous continents, malgré les distances et les décalages horaires. Ravis aussi de voir la créativité inondant nos petits écrans. Permettez-nous toutefois de dire adieu à une autre forme de créativité qui n’a désormais de place que dans les musées.
Pour les étrennes, nous nous hâtons d’ouvrir les petites enveloppes, curieux de découvrir le billet qui s’est glissé, reconnaissable à ses monuments historiques. Étions-nous méritants cette année ? Allons-nous recevoir l’hippodrome de Tyr et le temple de Faqra (250 L.L.) ou le Palais Beiteddine et la forêt des cèdres (100 L.L.) ? Nous nous régalions à deviner chacun des monuments qui illustraient les billets…
Celui de 1 livre avec la fameuse colonnade du Temple de Jupiter et la grotte de Jeita, passant par le billet de 5 livres avec la façade du Musée National de Beyrouth et le pont de Nahr el-Kalb, 10 livres et sa grotte des pigeons et les ruines de Anjar, 25 livres le château de la mer de Sidon et la forteresse de Msaylha et le billet de 50 livres et son célèbre temple de Dionysos et la citadelle de Saint Gilles à Tripoli.
Tout un pan de vie s’en va. Les billets sont devenus des bouts de papiers, froissables et insignifiants, remplacés par les cartes à puces, plus sécurisées et appréciées. Le Patrimoine qui était à l’honneur avec un graphisme recherché appartient au passé. Il est toujours visible, si vous passez par le Musée de la Banque du Liban.
Les années se poursuivent, la créativité change, nous continuons à défendre notre Patrimoine, différemment, avec les nouveaux outils. Le plus important est la place que nous lui réservons dans nos cœurs, la façon dont nous le protégeons, pour les générations futures. Dans le Musée, sur les sites ou à travers les films. L’essentiel, ne l’oublions pas !